La renaissance d’un lieu atypique dans le plus prestigieux vignoble du sud de la France. Ce lieu insolite et atypique, nous le devons à la folie créatrice d’Henri Auguste Constantin, architecte qui fit construire le Château à la fin du XIXe pour masquer la cave du domaine viticole qu’il jugeait inesthétique.

Réveiller la belle endormie
Sa façade néo-médiévale d’influence méridionale surgit tel un décor de théâtre au milieu du vignoble le plus prestigieux de Provence, Châteauneuf-du-Pape. Ce lieu insolite et atypique, nous le devons à la folie créatrice d’Auguste Constantin, architecte qui fit construire le Château à la fin du XIXe. S’inspirant des remparts d’Avignon et des ruines du château qui trônent au sommet du village papal, l’extravagant propriétaire venait de créer, sans le savoir, un lieu qui deviendra le passage obligé de la culture et des traditions provençales. En effet, dès 1915, le Marquis Folco de Baroncelli (gendre de Constantin), en fait un haut lieu de réception où se côtoieront Frédéric Mistral, Alphonse Daudet entre autres…
En 1932, Les Grandes Caves de Lyon rachètent l’ensemble du domaine viticole, puis c’est la famille Mousset en 1945 qui l’acquiert à son tour afin d’exploiter les 45 ha de vignes. C’est en 1976 que la partie hôtelière et ses 1600 m² intérieurs sont dissociés. Les décennies passant l’Hostellerie du Château des Fines Roches perd de sa superbe et il faudra toute la passion et l’énergie d’un entrepreneur vauclusien, Denis Duchêne, pour lui redonner son lustre d’antan et projeter ce lieu empli de mémoire vers la modernité du XXIe siècle.
Une équipe soudée et dynamique
En 2022, Denis Duchêne a remporté le Trophée Régional des entrepreneurs positifs organisé par la CPME Sud Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Prix du Jury). Signe d’une réussite pour l’entrepreneur qui a su s’entourer d’une équipe jeune etdynamique.

« Les Fines Roches, un pari sur l’avenir »
Natif d’Avignon, fils d’agriculteurs, Denis Duchêne est un autodidacte. Entrepreneur dans l’âme, il crée sa première société à 21 ans dans le BTP. Amoureux des voyages et des beaux lieux, il saisit l’opportunité d’acquérir en 2020, L’Hostellerie du Château des Fines Roches, à Châteauneuf-du-Pape.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce bâtiment insolite et quels sont vos projets ?
Indéniablement sa beauté atypique, son potentiel aussi dans un village d’une telle renommée, son emplacement au milieu des vignes. Avec mes deux associés, Hugo etSébastien, qui eux sont issus du secteur de l’hôtellerie et de la restauration, j’ai voulu redynamiser cet endroit trop longtemps endormi. En partenariat avec les vignerons de Châteauneuf, nous avons développé des circuits oenotouristiques à pied ou à vélo par exemple. En créant un Spa avec les produits Vinésime, nous avons ouvert le Château à une clientèle en recherche de bien-être. Mon souhait était également de permettre aux gens de la région de venir savourer l’endroit le temps d’un weekend, au restaurant, avec notre Chef Hugo Loridan-Fombonne, nous espérons être présents dans les meilleurs guides gastronomiques français et internationaux.
Nous mettons tout en oeuvre au quotidien depuis maintenant 2 ans pour faire de ce lieu, un lieu incontournable dans la région, et cela à tous les niveaux.
Vous avez radicalement changé la décoration du lieu en misant sur le contemporain. Risqué, non ?
Un risque mesuré au regard de ce qu’était l’établissement. Il fallait réaffirmer une identité. Entreprendre, c’est prendre des risques. Ce projet est un pari sur l’avenir, on ne sait jamais ce qu’il nous réserve mais j’y mets toute mon énergie. A ce jour je peux affirmer que cela plait au plus grand nombre.
Vous êtes un grand voyageur et amateur de beaux lieux. Quelle expérience avez-vous envie que vos clients vivent ici ?
Ce que j’aime, justement, lorsque je voyage. Une ambiance particulière, inexplicable, propre à chaque lieu. De la convivialité parce que nous sommes en Provence, de la sérénité parce que nous en avons besoin et un service irréprochable que chacun se doit de retrouver dans un établissement comme le nôtre distingué par 4 étoiles.

Hugo Loridan-Fombonne, l’enfant des Fines Roches
Il a grandi en Camargue, bercé par les spécialitésculinaires de sa grand-mère. Elevé « à la gardianne de taureau et à la soupe de poissons », Hugo Loridan-Fombonne vit un attachement viscéral au Château des Fines Roches où il a pris son premier poste en 2012.
À 30 ans, ce jeune Chef a la conscience écologique développée, veut saisir l’opportunité du changement de propriétaire pour enfin exprimer sa cuisine et son engagement.
Vous avez carte blanche dans ce nouveau challenge, quelle cuisine allez-vous proposer ?
Je vais construire une cuisine moderne autour du goût, de la juste cuisson. Je ne suis pas un pur créateur, mais je réinterprète à mon image. J’aime beaucoup travailler le mono produit pour le sublimer et respecter le travail des producteurs. Le végétal est pour moi très important car nous sommes dans une région riche en produits. Je suis très respectueux de la saisonnalité et pas seulement pour les fruits et légumes mais aussi pour les crustacés, les viandes et les poissons. J’ai envie que les clients viennent ici se laisser surprendre et vivre une expérience qui peut parfois dérouter, comme dans l’art.
Etes-vous sensible au gaspillage alimentaire, à l’environnement ?
Oui, nous sommes dans une société de surconsommation, nous devons améliorer cela pour les générations futures. Je sensibilise mes équipes à tous les niveaux mais il faut aussi éduquer les clients ! C’est pourquoi je propose le Menu Inspiration, servi à l’aveugle, issu de la production de mes fournisseurs et dans le respect des saisons.
Enfin, pour moins gaspiller, il faut savoir bien travailler ses produits, faire attention à ses achats et aux denrées périssables. En cuisine, nous récupérons les déchets végétaux que je ramène chaque jour à mon producteur de volailles. Certaines épluchures sont réduites en poudre et transformées en condiment (comme le topinambour par exemple), tous nos jus et sauces sont maison avec les carcasses de volailles, crustacés, parures de légumes etc… Je souhaite être un Chef engagé, défendre mes producteurs locaux, la saisonnalité des produits du terroir et le respect aussi de bonnes conditions d’abattage des animaux.
Quels sont les Chefs qui vous inspirent ?
« J’aime le rapport d’Alain Ducasse à la cuisine méditerranéenne et Pierre Gagnaire pour son côté «no limit» et créateur d’associations improbables. A Lyon, je vois régulièrement Christian Têtedoie. Grâce à ma participation aux Disciples d’Escoffier, je rencontre pas mal de Chefs et localement je prends souvent conseil auprès de Florent Pietravalle, étoilé à Avignon et Julien Allano étoilé à Grignan. En 2019 j’ai passé les qualifications pour Top Chef et gardé de bons contacts avec Mallory Gabsi et Adrien Cachot »
A moins de 30 ans, vous n’avez quasiment connu que les Fines Roches. Pourquoi cette fidélité ?
Ce n’est pas l’âge qui fait la passion… C’est vrai que je suis arrivé aux Fines roches en 2012 pour faire mon apprentissage et je suis passé par tous les postes. Je connais donc mieux que personne les forces et faiblesses de cet endroit et je suis heureux aujourd’hui d’avoir carte blanche pour en tirer le meilleur. J’aime profondément cet endroit et le relationnel que j’ai pu mettre en place avec mes fournisseurs à moins de 100 kilomètres du Château. Je suis l’enfant des Fines Roches et j’y suis très attaché.
Vous êtes au beau milieu d’un vignoble prestigieux, quelle est la place du vin au restaurant ?
Chacune de mes sauces est à base de Châteauneuf-du-Pape rouge ou blanc, j’utilise le mout de raisin pour faire la vinaigrette, la lie de vin pour fermenter mes légumes, les sarments de vignes pour fumer viandes et poissons. Je propose aussi un sorbet à base de Marc de Châteauneuf-du-Pape. Chaque dernier jeudi du mois, nous mettons en avant un domaine de Châteauneuf-du-Pape avec unaccord mets et vins en 5 phases. Je travaille en collaboration avec notre sommelier, Vincent Lafitte avec qui je travaille des accords toujours plus poussés. Mon coup de coeur va au Vieux Télégraphe, d’une grande finesse avec énormément d’arômes en bouche. Je suis aussi un grand fan de Bourgogne, de Chassagne-Montrachet en blanc parexemple Gevrey-Chambertin en Rouge.
Les codes ont changé
Respecter l’âme du lieu tout en lui insufflant une bouffée d’air frais et de modernité. Le cahier des charges d’Alison Lanceleur, décoratrice d’intérieur à Avignon semblait couler de source. Ce nouveau souffle est incarné par des couleurs contemporaines, la présence de nombreux tableaux mêlant géométrie et colorimétrie primaire, un mobilier aux formes vintage. «La contrainte a été de conserver quasiment tous les sols et de les intégrer dans cette nouvelle ère» explique Alison. Côté couleur des murs, l’équipe a opté pour un bleu nuit de chez Chromatic en accord avec l’identité visuelle du lieu, qui n’est pas sans rappeler ce bleu profond des raisins de Châteauneuf-du-Pape. La jeune femme a apporté une palette ensoleillée avec un jaune astral et un vert nature pour les parties communes, le bar et la réception qui ont vocation à accueillir les visiteurs autour d’un feu de cheminée et d’un verre de vin millésimé. La salle de restaurant est entrée dans une nouvelle dimension avec une plus grande luminosité, un mobilier beige, des murs clairs et un nappage blanc épuré. Les chambres ont elles aussi été entièrement refaites. La décoration Provençale, légèrement dépassée, a laissé place à un style mêlant modernité et charme moyenâgeux.

Hostellerie du Château des Fines Roches
1901 Route de Sorgues – 84230 Châteauneuf-du-Pape
Tél: +33 (0)4 90 83 70 23